Représentations sociales de la contention en 􏰀􏰀 pédiatrie : regards de professionnels

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Rec ̧u le : 􏰀􏰀 20 aouˆt 2013 􏰀

11 octobre 2014 􏰀

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Summary

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Me ́moire original

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Représentations sociales de la contention en 􏰀􏰀 diatrie : regards de professionnels

􏰀 6 novembre 2014 􏰀􏰀

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Accepte ́ le :

Disponible en ligne

􏰀􏰀􏰀 Social representations of contention in children: Of the 􏰀􏰀 viewpoint of pediatric professionals

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􏰀􏰀 C. Oudjani , L. Dany , M. Derome , J. Bataille

a a,,b c c
􏰀􏰀􏰀 Aix-Marseille universite ́, LPS EA 849, 13621 Aix-en-Provence, France

􏰀 Service d’oncologie me ́dicale, AP–HM, Timone, 13385 Marseille, France c

􏰀􏰀 Poˆle de pe ́diatrie–re ́animation infantile–re ́e ́ducation neuro-respiratoire, hoˆpital Raymond- Poincare ́, 92380 Garches, France

Re ́ sume ́

Objectifs. Cette e ́tude s’inscrit dans le contexte actuel de remise en question nationale et internationale de la pratique de la contention dans le champ du soin. Elle aborde la fac ̧on dont les repre ́sentations sociales de la contention organisent et fac ̧onnent le discours des professionnels des soins et de la prise en charge de l’enfant malade ou handicape ́ . L’objectif e ́ tait de comprendre comment ces repre ́ – sentations sociales interviennent dans la pratique de la contention. Population et me ́ thodes. La me ́ thode qualitative, a` travers des entretiens semi-directifs, a e ́ te ́ choisie pour tenter de re ́ pondre a` ces objectifs. La recherche s’est de ́ roule ́ e aupre` s de 15 professionnels d’un service de pe ́ diatrie, re ́ animation infantile et re ́ e ́ ducation neuro- respiratoire. Les donne ́ es ont e ́ te ́ traite ́ es apartir d’une analyse de contenu de type the ́ matique.

Re ́ sultats. Les repre ́ sentations sociales semblent affecter en parti- culier le ve ́ cu des professionnels et la repre ́ sentation qu’ils peuvent avoir du ve ́ cu des enfants, des parents et du roˆ le de ces derniers dans la contention. Ils montrent e ́galement que la contention est un objet pluridimensionnel dont les contours sont difficiles aappre ́hender, notamment en raison de la remise en question actuelle de cette pratique au sein de ce service.

Conclusion. Malgre ́ certaines limites me ́ thodologiques, cette e ́ tude a contribue ́ a` une de ́marche de re ́flexion autour de la pratique de la contention, dans une approche psychosociale de compre ́hension de l’objet et de ses enjeux.

ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ́ serve ́ s.

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Aims. This study is part of a current context raising questions on restraint practices in healthcare at the national and international level. It examines how social representations of restraint organize and shape the discourse of professionals within the context of healthcare and support for sick and/or disabled children. The main objective was to understand how these social representations were expressed in restraint practices.

Population and methods. A qualitative method using semi-struc- tured interviews was chosen to meet the goals set out. The research was conducted with 15 healthcare professionals in pediatrics, infant intensive care, and neurorespiratory rehabilitation at Raymond Poincare ́ Hospital. The data were processed using a content analysis of the thematic type.

Results. The results suggest that social representations particularly affect the experience of these professionals and the representations they may have concerning the experience of children, parents, and the role played by the latter in restraint situations. They also show that restraint is a multidimensional object that is difficult to unders- tand, particularly because of the current context of questioning this practice within pediatric departments.

Conclusion. Despite certain methodological limitations, this study has contributed to a reflective process around restraint practices within a psychosocial approach of understanding the subject and its issues.

ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Auteur correspondant.
e-mail : Lionel.Dany@univ-amu.fr (L. Dany).

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.10.001 Archives de Pe ́diatrie 2015;22:4-13 0929-693X/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ́serve ́s.

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1. Introduction

La contention est une pratique internationale ancienne et culturellement ancre ́e dans le champ du soin. Depuis quelques anne ́es, elle repre ́sente un objet de questionnement e ́thique national qui s’inscrit dans un contexte ou` la France serait un des pays europe ́ens les plus utilisateurs [1]. Le fait qu’il s’agisse d’un processus de soins a` risque [2] semble avoir contribue ́ a` ce questionnement. Certains auteurs mettent ainsi en avant ses dangers tels que l’abus de contention [3], l’absence de preuves de l’efficacite ́ the ́rapeutique et l’existence de conse ́quences ne ́fastes pour la personne [1,3]. Ce questionnement est e ́gale- ment international a` propos de la re ́gulation des pratiques suite a` des de ́ce`s observe ́s sous contention [4]. La de ́finition de la contention est entoure ́e d’un flou se ́mantique aussi bien au niveau national qu’international. On parle de contention « chimique », « relationnelle », « physique » et « me ́canique » [3]. La contention chimique consiste a` administrer des se ́datifs (neuroleptiques ou tranquillisants) ; la contention relationnelle consiste a` « tenir » une personne par la parole ; la contention physique correspond au maintien de la personne par certaines techniques the ́rapeutiques ; enfin la contention me ́canique renvoie a` des mesures spe ́cifiques (fixation de ceintures au lit, isolement). La distinction entre les deux derniers types n’est pas toujours bien e ́tablie dans la litte ́rature. En ce qui concerne la contention physique, l’Agence nationale d’accre ́ditation et d’e ́valuation en sante ́ a distingue ́ la contention physique active (a` vise ́e re ́e ́ducative) de la contention physique passive (a` vise ́e se ́curitaire) [2]. C’est a` ce dernier type de contention que la plupart des e ́tudes se sont inte ́resse ́es. Diffe ́rents moyens de contention peuvent eˆtre employe ́s pour contenir une personne (sangles thoraciques, attaches de poignets et de cheville, bar- rie`res de lit, etc.). D’autres moyens dits « non spe ́cifiques » peuvent e ́galement eˆtre utilise ́s comme un drap limitant les mouvements volontaires [2]. Principalement connue pour son utilisation en psychiatrie, la contention est e ́ galement employe ́e en ge ́riatrie, dans les services pour adultes et de pe ́diatrie, en re ́animation ou encore en orthope ́die. La litte ́ra- ture, peu de ́veloppe ́e sur le sujet, ne met pas en avant de roˆle ou de fonction spe ́cifique de la contention en pe ́diatrie. Dans ce contexte, elle re ́pondrait aux meˆmes besoins que lorsqu’elle est mise en place dans les autres domaines de soin, son but e ́tant de pre ́venir une violence du patient envers lui-meˆme ou autrui, alors que les autres moyens de controˆle ne sont ni efficaces ni approprie ́s, ou de pre ́venir un risque de rupture the ́rapeutique [5].

La contention n’a de sens que si elle est pense ́e dans la relation a` l’autre [6]. Plus pre ́cise ́ment, elle est, par nature, un objet social car elle implique la pre ́sence d’un profession- nel et d’un patient qui entretiennent tous deux un rapport a` cet objet et qui se trouvent chacun dans un contexte social spe ́ cifique. Dans le cadre pe ́ diatrique, la contention implique e ́galement un autre acteur important : les parents.

Repre ́sentations sociales de la contention

Il nous a paru pertinent d’aborder la contention d’un point de vue psychosocial [7] en e ́tudiant ses repre ́sentations sociales aupre`s de soignants exerc ̧ant dans un service de pe ́diatrie. Par repre ́sentations sociales, nous entendons l’ensemble organise ́ des connaissances, des croyances, des opinions, des images et des attitudes partage ́es par un groupe a` l’e ́gard d’un objet social donne ́ [6]. Les repre ́sentations sociales ont diffe ́rentes fonctions : une fonction de savoir (elles permettent de comprendre et d’expliquer la re ́alite ́) ; une fonction de guide pour l’action (elles de ́finissent la finalite ́ des situations en lien avec l’objet, constituent des syste` mes d’attentes ou d’anticipations) ; une fonction identitaire (elles de ́finissent l’identite ́ du groupe et permettent la sauvegarde de sa spe ́- cificite ́), et une fonction justificatrice (elles permettent a posteriori de justifier les comportements et prises de position) [6]. Un certain nombre de travaux ont montre ́ que l’e ́tude des repre ́sentations sociales e ́tait des plus pertinentes dans le cadre du soin. En effet, l’interaction the ́rapeutique s’ope`re bien souvent autour et par les repre ́sentations que chacun des acteurs de cette situation e ́labore a` propos de la maladie, du soin voire du roˆle qu’il est en mesure de tenir dans la relation the ́rapeutique [8–11]. Les repre ́sentations sont constitutives de notre participation au monde social, de nos expe ́riences a` la fois individuelles et de groupe. Par exemple, e ́tudier les repre ́sentations sociales de la contention ne revient pas a` mesurer l’e ́cart entre les connaissances objectives voire les de ́finitions institutionnelles de la contention et les savoirs produits par les professionnels. Il s’agit davantage de comprendre quelle(s) place(s) la contention occupe(nt) pour les professionnels et quels sens ce type d’intervention peut prendre dans le contexte d’une pratique professionnelle. Cette e ́tude a donc vise ́ a` e ́tudier les repre ́sentations sociales de la contention aupre`s de professionnels de sante ́ interve- nant aupre`s d’enfants (malades ou handicape ́s) confronte ́s a` des situations particulie`rement invalidantes et ne ́cessitant le recours a` cette pratique. Les objectifs e ́taient :

􏰁 d’e ́tudier comment l’objet contention est reconstruit par les professionnels sans leur imposer un type particulier de contention ;
􏰁 d’appre ́hender la fac ̧on dont les repre ́sentations de la contention organisent et fac ̧onnent le discours des professionnels ;

􏰁 de mieux comprendre comment ces repre ́ sentations interviennent dans l’explicitation et la mise en œuvre des pratiques de contention dans le cadre de la pe ́diatrie.

2. Population et me ́thodes

2.1. Lieu de l’e ́tude

Notre e ́ tude s’est de ́ roule ́ e aupre` s de professionnels du service de pe ́ diatrie–re ́ animation infantile–re ́ e ́ ducation neuro-respi- ratoire de l’hoˆpital Raymond-Poincare ́. Ce service accueille des

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se ́ mantiques qui constituent l’univers discursif de l’e ́nonce ́ [14]. Elle fonctionne par ope ́rations de de ́coupage du texte en unite ́s de sens puis classification de ces unite ́s en cate ́gories selon des regroupements analogiques [13]. C’est a` partir de ces cate ́gories que le chercheur peut faire des infe ́ rences et des interpre ́ tations relatives a` son objet d’e ́ tude. C’est autour des principales cate ́ gories qui ont e ́ te ́ identifie ́ es que s’articule la pre ́ sentation de nos re ́ sultats.

3. Re ́sultats

Quinze professionnels de l’e ́quipe pluridisciplinaire du service (me ́decin, interne, cadre de sante ́, auxiliaires de pue ́riculture, aides-soignantes, infirmie`res, e ́ducatrice de jeunes enfants, kine ́sithe ́rapeutes, ergothe ́rapeute, institutrice) ont participe ́ a` cette recherche. La dure ́e des entretiens a e ́te ́ en moyenne de 67,5 minutes. Le recueil des donne ́es s’est e ́tendu de fe ́vrier a` juin 2012. Les professionnels (13 femmes et 2 hommes) e ́taient aˆge ́s de 25 a` 52ans (moyenne = 36,5). La dure ́e moyenne de travail dans le service e ́tait de 8 ans et 3 mois (extreˆmes 3 mois–28 ans).

L’analyse de contenu the ́matique a permis de faire e ́merger cinq the`mes principaux :

  • 􏰁  formes et causes de la contention ;

  • 􏰁  processus de ́cisionnels et mise en place de la contention ;

  • 􏰁  limites, cadre et alternatives a` la contention ;

  • 􏰁  ve ́ cus de la contention ;

  • 􏰁  rapport au corps.
    Chacun de ces the` mes ge ́ ne ́ raux contient un nombre plus ou moins important de sous-the` mes. Les fre ́ quences d’e ́ vocation de ces sous-the` mes, leur articulation aux the` mes ge ́ ne ́ raux et des extraits typiques d’entretiens sont pre ́ sente ́ es dans le 
    tableau I.

    3.1. Formes et causes de la contention

    La forme de contention la plus e ́voque ́e a e ́te ́ le fait « d’attacher » un enfant, les « attaches ». Tous les profes- sionnels ont e ́voque ́ cette the ́matique. Les autres formes de contention les plus fre ́quemment e ́voque ́es ont e ́te ́ les « bar- rie`res de lit », le fait de « maintenir » ou de « tenir » l’enfant, les « menottes », la « ceinture abdominale mise au lit », la « ceinture au fauteuil » et les « bas de contention ». L’ « appareillage » (corset, atte`les, etc.) a e ́te ́ cite ́ par un quart des participants, dont la majorite ́ e ́taient des professionnels de re ́e ́ducation. La « contention chimique » n’a e ́te ́ e ́voque ́e que par une seule personne.

    Concernant l’adaptation de la contention, trois formes prin- cipales ont e ́ te ́ e ́ voque ́ es spontane ́ ment. Elles se rapportaient a` l’adaptation a` l’enfant, a` la dure ́e et a` l’e ́volution de la situation, et aux parents. Les indications de la contention les plus souvent e ́ voque ́ es ont e ́ te ́ l’e ́ tat du patient, des causes spe ́cifiques a` la pe ́diatrie (par exemple : « aˆge » de l’enfant), a` la re ́animation et aux soins intensifs (enfant appareille ́ ou

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enfants lourdement handicape ́s a` la suite d’accidents, de maladies conge ́ nitales, chroniques ou de ́ ge ́ ne ́ ratives. Il est constitue ́ de trois unite ́ s : re ́ animation (10 lits), surveillance continue (11 lits), et neuro-pe ́diatrie (14 lits), soit un total de 35 lits. Ces unite ́s permettent une prise en charge pluridiscipli- naire, adapte ́ e, spe ́ cialise ́ e et ininterrompue des enfants, que ce soit pour le diagnostic, la the ́ rapeutique ou la re ́ e ́ ducation, ainsi que celle des pathologies de pe ́ diatrie ge ́ ne ́ rale. Les enfants sont hospitalise ́s dans des chambres a` deux ou trois lits, excepte ́ en re ́animation ou` ils sont place ́s en « box » individuel. La plupart des patients hospitalise ́s sont grande- ment de ́pendants de soins et d’outils techniques (trache ́oto- mie, halos, fauteuils roulants, etc.). Certains enfants sont hospitalise ́s en raison d’un risque vital imme ́diat (intoxica- tion, noyade, etc.). C’est dans ce contexte de technicite ́ et de risque vital que les contentions sont mises en place.

2.2. Proce ́dure

La me ́thode utilise ́e a e ́te ́ celle de l’entretien semi-directif. Ce type d’entretien permet au sujet d’exprimer sa re ́alite ́ singu- lie`re au travers du langage [12]. Le guide d’entretien a e ́te ́ construit en deux temps. Une premie`re version a e ́te ́ e ́labore ́e suite a` une revue de la litte ́rature disponible. Une fois les premiers entretiens re ́alise ́s avec cette version initiale, nous avons proce ́de ́ a` une analyse de contenu qui nous a permis de l’adapter au vu des donne ́es acquises (annexe 1). Il e ́tait articule ́ autour de trois the`mes principaux : le travail dans le service, le travail sur ou avec le corps de l’enfant et la contention. Chacun de ces the` mes comportait une se ́ rie de questions portant notamment sur la repre ́sentation et le ve ́cu des soignants. Les participants devaient lire, comprendre et signer un formulaire de consentement et remplir une fiche signale ́tique nous permettant d’appre ́hender certaines carac- te ́ristiques (sexe, aˆge, profession et anciennete ́). L’avis d’un comite ́ d’e ́thique n’a pas e ́te ́ sollicite ́ car le projet mis en œuvre e ́tait en ade ́quation avec le code de conduite des chercheurs dans les sciences du comportement humainLes entretiens se sont de ́roule ́s dans le bureau des psychologues du service ou dans un bureau mis a` disposition des professionnels.

2.3. Analyse de contenu

Le mate ́ riel recueilli au cours des entretiens a e ́ te ́ inte ́ grale- ment retranscrit et a fait l’objet d’une analyse de contenu, plus pre ́ cise ́ ment une analyse the ́ matique. L’analyse de contenu consiste en la mise en œuvre de proce ́ dures syste ́ – matiques et objectives de description du contenu des entre- tiens re ́ alise ́ s. Son but est l’infe ́ rence de connaissances relatives aux conditions de production (ou e ́ventuellement de re ́ception), a` l’aide d’indicateurs (quantitatifs ou non) [13]. Dans cette e ́ tude, le principal indicateur utilise ́ e ́ tait la fre ́ – quence d’apparition des e ́ le ́ ments. L’absence d’e ́ vocation de certaines caracte ́ ristiques e ́ tait e ́ galement prise en conside ́ – ration. L’analyse the ́ matique consiste a` repe ́ rer les unite ́ s

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Tableau I

Analyse the ́matique des entretiens.

Repre ́sentations sociales de la contention

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The` mes

Formes et causes de la contention

Sous-the` mes

Les diffe ́rentes formes de contention

Adaptation de la contention

Causes de la mise en place de la contention

Sous-the` mes

Attacher, les attaches (15/15) ; barrie`res de lit (9/15) ; maintenir, tenir l’enfant (8/ 15) ; menottes (5/15) ; ceinture abdominale mise au lit (5/ 15) ; ceinture au fauteuil (4/ 15) ; bas de contention (4/15) ; appareillage (4/15) ; contention chimique (1/15)

Al’enfant (9/15) ; a` la dure ́e et a` l’e ́volution de la situation (8/15) ; aux parents (8/15)

E ́tat du patient (14/15) ; protection de l’enfant (11/15) ; syste ́matique et/ou obligatoire (10/15) ; enfant technique ́ (9/15) ; aˆge de l’enfant (7/15) ; permet le soin (6/15) ; enfant se ́ date ́ (5/15) ; protection des autres enfants (3/15) et des soignants (2/15)

Le me ́decin (8/15) ; les soignants (6/15) ; les enfants et les parents (3/15)

Expe ́rience personnelle (15/ 15) ; usage ponctuel (4/15) ; usage fre ́quent (3/15) ; demande avis de l’enfant (3/ 15)

Extraits typiques

« On peut attacher euh voila` les jambes. Moi j’ai vu attacher les jambes, les bras, le corps »

« Pour faire certains examens on est oblige ́ de les maintenir bah la` pas plus tard que tout a` l’heure y avait J. qui avait une ponction lombaire j’e ́ tais comme c ̧a pour la tenir et tout pour qu’on puisse la faire »

« C’est adapte ́ vraiment au cas »
« Petit a` petit il va e ́voluer, il va gue ́rir, donc les contentions vont eˆtre retire ́es d’elles-meˆmes »
« Si les parents viennent les voir on les de ́tache puisque les parents ils font
attention »
« Parce que souvent c’est des be ́ be ́ s aussi, ils sont pas tre` s maˆıtresdecequ’ilspeuvent penser, ils sont pas raisonnables et raisonne ́ s » « Par exemple quand ils sont intube ́ s et ventile ́ s, ils seront attache ́ s parce que le risque c’est qu’ils s’extubent volontairement ou involontairement et le risque vital est engage ́
. . . prote ́ger l’enfant voila`, contre on va dire quelque part contre lui meˆme aussi »
« Bah c ̧a peut eˆtre notre peur aussi de… de se dire mince on a pas mis les barrie`res, il est tombe ́. C’est de notre faute » « En tant qu’aide soignante ou auxiliaire de pue ́ riculture, on peut estimer que c’est ne ́cessaire et le mettre sans autorisation »
« Il y a des enfants qui demandent la contention »
« Les parents nous ont pre ́venus qu’il est tre`s agite ́, qu’il s’automutile et qui nous ont dit qu’il vaut mieux qu’on l’attache donc il est attache ́ » « O. qui a un corset depuis qu’elle a un an et demi, deux ans on lui a pas demande ́ son avis »

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Processus de ́cisionnels et mise en place de la contention

Personnes a` l’origine de la demande

Usage de la contention

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Tableau I (SuiteThe` mes

Sous-the` mes

Communication

Sous-the` mes

Importance avec l’enfant (13/ 15) ; importance avec les parents (11/15) ; discuter entre professionnels (11/15) ; compre ́hension de la contention (10/15) ; importance de manie`re ge ́ne ́rale (4/13) ; roˆle des parents dans le processus de ́cisionnel (7/14) ; explication et accompagnement (4/14) ; participation (3/14) ; adhe ́sion a` la contention (3/ 14) ; apprentissage (2/14) E ́voque ́es spontane ́ment (7/ 15) ; ne ́cessite ́ d’une prescription me ́ dicale (7/15) ; un de ́bat (5/15) ; dangers de la contention (3/15) ; risque de blessure et/ou de douleur (3/ 15) ; e ́ volution actuelle (2/15) ; Responsabilite ́ du soignant (2/15) ; le ́gislation (1/15)

E ́voque ́es spontane ́ment (8/ 15) ; protection et/ou mise en place de mate ́riel (6/15) ; accompagnement de l’enfant (2/15) ; administration de me ́dicaments (2/15)

Affects ne ́gatifs (10/15) ; affects positifs (6/15)

Extraits typiques

« Tout c ̧a faut que ce soit bien accepte ́ et bien, et bien compris par l’enfant, par sa famille et par tout le personnel soignant qui gravite autour de lui »

« Ils (les parents) sont indispensables au port de la contention ne serait que voila` pour la mettre, pour expliquer a` l’enfant

l’inte ́reˆt »

« Si par exemple notre patient meˆme si c’est pas prescrit on l’attache pas et qu’il s’extube, qui c’est qui va eˆtre responsable c’est nous ! On va nous dire mais pourquoi votre patient vous l’avez pas attache ́ ? »

« On a quand meˆme une le ́gislation, faut pas que l’enfant tombe »
« Plutoˆt rajouter des coussins (
. . .) ou mettre un gant pour pas qu’il se gratte ou qu’il arrache pas »

« Avant de lui mettre des contentions bah peut-eˆtre qu’on peut faire attention a` eˆtre un peu plus attentives, voir comment l’enfant re ́agit, lui expliquer les choses pour qu’il soit peut-eˆtre un petit peu moins agite ́ »

« Maintenant avec le Calinox on le met. On les fait un petit peu endormir et c ̧a se passe on va dire pas trop mal »

« C ̧ a me rend toujours un peu triste pour eux quoi. Enfin un peu triste, c ̧a me, ouais, c ̧a me fait… enfin sur le moment c ̧a me fait mal au cœur quoi de faire c ̧a voila` » « Je crois que toute l’e ́quipe apre`s est contente. Mais c’est plus qu’une sensation enfin, je sais pas comment te dire. Tout le monde a eu peur. . . finalement c ̧a s’est bien passe ́ et tout le monde a une espe`ce de sensation de, de bien eˆtre du fait que c ̧a c’est bien passe ́ c’est ouf on l’a e ́chappe ́ belle »

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Limites, cadre et alternatives

Les limites

Les alternatives

Ve ́cus de la contention

Ve ́cu des soignants

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Tableau I (SuiteThe` mes

Sous-the` mes

Ve ́cu perc ̧u des parents Ve ́cu perc ̧u des enfants

Sous-the` mes

Affects ne ́gatifs (5/15) ; affects positifs (2/15)

Affects ne ́gatifs (11/15) ; affects positifs (4/15)

Prise en compte de la douleur (12/15) ; approche technique du corps (8/15) ; sens accorde ́ au travail avec/sur le corps de l’enfant dans le service (8/ 15) ; le bien-eˆtre (6/15)

Respect de la pudeur et/ou de l’intimite ́ (9/15) ; conception holistique de la personne (7/15) ; respect du corps et de l’image du corps de l’enfant (7/15) ; acceptation du corps et/ou de l’appareillage (6/15)

Extraits typiques

« Bah pour une famille, voir son enfant attache ́ euh. . . c’est dur quoi c’est violent » « Parce que bah le fait d’eˆtre attache ́ c’est une souffrance quelque part. L’enfant quand il est attache ́ y en a qui aiment pas eˆtre attache ́s hein meˆme nous on aimerait pas eˆtre attache ́ »

« Rien que de les contenir, c ̧a permet de les apaiser »
« C ̧a la paniquait presque qu’on la de ́tache parce qu’elle e ́tait habitue ́e depuis toute petite a` eˆtre

attache ́e »)
« Et bien suˆr le respect vis a` vis d’eux, donc (
. . .), respect vis a` vis de la douleur et au niveau du confort bien
suˆr
. . . »
« Moi j’ai pas la sensation de travailler sur ou avec le corps des enfants c’est-a`-dire que j’ai l’impression de travailler avec l’enfant »
« Et bien suˆr le respect vis a` vis d’eux, donc le respect vis a` vis de la pudeur
… » «Ilyal’imagequ’iladelui- meˆme, il y a l’image qu’il renvoie a` ces parents et il y a l’image qu’il renvoie aux autres »

Repre ́sentations sociales de la contention

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Le rapport au corps

Bien-eˆtre, douleur et intervention sur le corps

La pre ́ servation de l’image corporelle

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Les chiffres entre parenthe`ses correspondent a` la fre ́quence d’e ́vocation du sous-the`me par rapport au nombre de participants.

sous se ́ datif). D’autre part, pre` s de trois quarts des profes- sionnels ont mentionne ́ le danger et le risque pour l’enfant. Ce qui e ́tait mis en avant e ́tait la « protection de l’enfant », le risque « de se blesser », de « chuter » ou « d’arracher l’appareillage ». Le fait que ce soit « pour l’enfant », « pour son bien » a e ́te ́ exprime ́ par pre`s de deux tiers des profes- sionnels interroge ́s.

Pour pre`s d’un soignant sur deux, la raison de la contention e ́tait qu’elle « permet le soin » ou « fait partie du soin » et qu’il n’y avait « pas d’autres choix ». La « peur » ou « l’inquie ́tude » des soignants ont e ́te ́ e ́voque ́s par un tiers des professionnels. La protection et la se ́curite ́ des autres enfants et celle des soignants ont e ́te ́ e ́galement exprime ́es. Des incidents en lien avec la contention ont e ́te ́ e ́voque ́s par un quart des per- sonnes. Enfin, pour deux tiers des participants, la contention e ́tait mise en place car elle e ́tait « syste ́matique » ou « obligatoire ». Elle e ́ tait « protocolise ́ e », c’e ́ tait une « e ́vidence » pour la moitie ́ des personnes interroge ́es.

3.2. Processus de ́cisionnels et mise en place de la contention

Pour plus de la moitie ́ des professionnels, la de ́cision de contention e ́tait prise par le me ́decin. En revanche, pour certains, elle serait davantage prise par les soignants. La de ́cision prise par les parents ou avec eux a e ́te ́ e ́voque ́e par un professionnel sur cinq. Enfin, les demandes des enfants et des parents ont e ́te ́ e ́voque ́es chacune par une minorite ́ (20 %) des participants.

Nos re ́sultats ont tout d’abord mis en e ́vidence que tous les professionnels interroge ́s avaient de ́ja` mis en place une contention. Un tiers a explique ́ que la mise en place se faisait avec l’accord des me ́decins et, plus rarement, sur prescription me ́dicale. La fre ́quence d’utilisation a, quant a` elle, e ́te ́ peu e ́voque ́e. Pour certain, elle e ́tait tre`s utilise ́e pour d’autres elle ne l’e ́tait que ponctuellement. Notons e ́galement que l’accord de l’enfant n’a e ́te ́ e ́voque ́ que par un professionnel sur 10.

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« dur », qu’ils « n’aiment pas », « n’appre ́cient pas », « vivent mal » la contention. Les affects positifs, peu e ́ voque ́ s, e ́ taient principalement associe ́ s a` la fonction de re ́ assurance de la contention.

3.4.3. Ve ́cu perc ̧u des enfants

Des affects ne ́gatifs associe ́s au ve ́cu des enfants ont e ́te ́ e ́voque ́s par pre`s de trois participants sur quatre avec des expressions et termes tels que « mal ve ́cu », « difficile », « douleur », « stress », « angoisse » ou « traumatisme ». Les affects positifs ont e ́te ́ e ́voque ́s par un quart des participants. Enfin, un professionnel sur dix a mentionne ́ les affects ne ́ga- tifs e ́prouve ́s par les enfants lorsque la contention e ́tait retire ́ e.

3.5. Rapport au corps

Les principales caracte ́ristiques du rapport au corps e ́voque ́es par les professionnels ont e ́te ́ la prise en compte de la douleur et le respect de la pudeur ou de l’intimite ́. Certains ont mentionne ́ la composante technique du rapport au corps, le respect du corps et de l’enfant de son image du corps. Le bien-eˆtre, l’acceptation du corps ou de l’appareillage ont e ́te ́ des e ́le ́ments e ́voque ́s pour rendre compte de la composante corporelle de la contention. D’autre part, plus de la moitie ́ des professionnels a e ́voque ́ le sens accorde ́ au travail avec et sur le corps de l’enfant dans le service et la conception ne ́cessai- rement holistique de la personne qui s’y rattachait (tableau I).

4. Discussion

Le but de ce travail e ́tait d’appre ́hender la fac ̧on dont les repre ́sentations sociales de la contention organisent et fac ̧on- nent le discours des professionnels. Les re ́sultats tendent a` montrer que ces repre ́sentations interviennent dans la re ́gu- lation de la contention, notamment en influant sur le ve ́cu (professionnel–enfant–parent) et la repre ́sentation du roˆle des parents dans cette pratique. Au vu de nos re ́sultats, il apparaˆıt que la contention est un objet polymorphe avec un consensus autour de certaines de ses formes (attaches) mais pas pour d’autres, telles que le maintien de l’enfant ou les barrie`res de lit. L’absence de consensus nous laisse penser que la repre ́sentation de la contention est dans une phase de transformation, au sein de laquelle des e ́le ́ments anciens cohabitent avec des e ́le ́ments nouveaux, parfois contradic- toires [10]. La difficulte ́ a` de ́finir l’objet peut aussi eˆtre inter- pre ́te ́e au regard de la pluralite ́ des de ́finitions existant dans la litte ́rature scientifique internationale.

Les re ́sultats semblent indiquer que l’indication de la conten- tion est multifactorielle et qu’il existe un certain flou sur son caracte`re syste ́matique ou non. Atravers le discours des pro- fessionnels, la contention semble notamment le ́gitime ́e par l’e ́ tat des enfants et par son action pre ́ ventive. La croyance aux be ́ne ́fices de la contention (« pour le bien de l’enfant », « pour

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Concernant la manie`re dont la contention devrait eˆtre mise en place, l’importance de la communication de manie` re ge ́ ne ́ rale, et avec l’enfant et les parents en particulier a e ́te ́ mise en avant. Le fait d’avoir la possibilite ́ d’en discuter entre professionnels a e ́te ́ exprime ́ par pre`s de trois quarts des participants. De manie`re transversale, l’importance de la compre ́hension de la contention (enfant, parents et soignants) a e ́te ́ e ́voque ́e par 2/3 (67 %) des participants. Le roˆle des parents dans le processus de ́cisionnel aussi bien que dans la mise en place de la contention a semble ́ assez flou pour une moitie ́ des profes- sionnels. Ce roˆle « flou » des parents doit s’accompagner d’explication pour qu’elles soient transmises a` l’enfant, de la participation active dans certains cas, de l’adhe ́sion a` la conten- tion ou encore de l’apprentissage a` la mise en place de la contention.

3.3. Limites, cadre et alternatives

Les limites de la contention ont e ́te ́ spontane ́ment e ́voque ́es par pre`s de la moitie ́ des professionnels interroge ́s, en parti- culier les dangers de la contention et le risque de blessure ou de douleur. Pour pre`s de la moitie ́ d’entre eux, la contention ne ́cessitait une prescription me ́dicale. Cet encadrement a e ́te ́ de ́clare ́ comme e ́tant « nouveau » par un professionnel sur cinq et comme e ́tant en e ́volution par une minorite ́. Certains ont de ́clare ́ ne pas savoir pourquoi la contention devait eˆtre mise en place sur prescription me ́dicale. La question de la responsabilite ́ du soignant a e ́te ́ e ́voque ́e par une minorite ́ de professionnels et la le ́gislation par une seule personne. Les discussions et de ́bats actuels autour de l’objet ont e ́te ́ e ́vo- que ́s par un tiers des personnes. The`me aborde ́ spontane ́ment par plus de la moitie ́ des professionnels, les alternatives a` la contention n’ont e ́te ́ e ́voque ́es ni par les me ́decins ni par les auxiliaires de pue ́riculture. Les alternatives e ́voque ́es ont e ́te ́ la protection ou la mise en place de mate ́riel, l’accompagne- ment de l’enfant et l’administration de me ́dicaments.

3.4. Ve ́cu de la contention

Que ce soit pour les professionnels, les parents ou les enfants, un ve ́cu ne ́gatif a e ́te ́ le plus fre ́quemment e ́voque ́. Il concer- nait plus de deux participants sur trois.

3.4.1. Ve ́cu des soignants

Des affects positifs ont e ́te ́ e ́voque ́s par pre`s de la moitie ́ des participants avec des termes tels que « contentement », « bien- eˆtre », « sentiment d’apaisement » ou eˆtre « rassure ́ ». En revanche, deux professionnels sur trois ont e ́voque ́ des affects ne ́gatifs tels que la contention est « de ́sagre ́able », « difficile », c ̧afait«malaucœur»,c’est«dur»,c ̧anefait«pasplaisir»,ou elle engendre de la « culpabilite ́ ».

3.4.2. Ve ́cu perc ̧u des parents

Les affects ne ́ gatifs ont e ́ te ́ relate ́ s par un tiers des partici- pants qui estimaient que pour les parents c’e ́tait « difficile »,

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e ́ viter un danger », etc.) ou aux conse ́ quences de son absence (« risque pour l’enfant », etc.) semble e ́galement jouer un roˆle important dans sa mise en place. Ces croyances aident aux de ́cisions et guident les comportements [15]. Ainsi, plus les personnes croient aux be ́ne ́fices de la contention, plus celle-ci est utilise ́e. En d’autres termes, nous pourrions dire que l’e ́tat des enfants et l’action pre ́ ventive de la contention le ́ gitiment la mise en place de cette dernie`re avant tout en raison des croyances en ses be ́ne ́fices par rapport a` un risque potentiel qui n’est pas ne ́cessairement re ́el. Il semble donc important de former les soignants a` la reconnaissance du roˆle de leurs croyances afin d’e ́viter les « abus de contention » [3]. Le fait qu’il n’y ait que peu de prises de position clairement exprime ́es pourrait eˆtre explique ́ par la complexite ́ de l’objet et la difficulte ́ de prendre position sur une pratique « ambigu ̈e ».

L’absence de consensus sur le caracte` re syste ́ matique ou non de la contention laisse a` penser, une nouvelle fois, qu’il s’agit d’une pratique dont les contours ne sont pas clairement de ́ finis pour les professionnels. Il est apparu que celle-ci e ́ tait protocolise ́ e en re ́ animation, c’est-a` -dire automatique, et qu’elle e ́ tait mise en place sur prescription me ́ dicale dans peu de cas. Cela s’inscrit dans un cadre plus ge ́ne ́ral ou` plus de la moitie ́ des professionnels semblait ignorer qu’une conten- tion ne ́cessitait une prescription. Cette absence de consensus sur le cadre de mise en place (contention syste ́matique versus ponctuelle) pourrait s’expliquer par l’absence de le ́gislation concernant l’enfant et par le fait que cette pratique soit peu aborde ́e dans la formation des professionnels de sante ́ [2]. De meˆme,diffe ́rentsenjeux,exprime ́senparticulierparles infirmie` res, soulignent l’existence d’un paradoxe qui a e ́ te ́ mis en e ́ vidence dans la litte ́ rature scientifique. Menier et al. (2010) l’ont exprime ́ tre`s clairement : « sur le plan juridique, la situation des soignants est paradoxale : « un patient pourrait (. . .) poursuivre un me ́decin pour lui avoir impose ́ une conten- tion sans son consentement, mais e ́galement pour avoir mis sa sante ́ en danger parce qu’il n’a pas utilise ́ de moyen de contention (dont on supposera qu’il aurait permis d’e ́viter une chute) », car « les soignants et l’institution ont une obligation le ́ gale et morale de se ́ curite ́ a` l’e ́ gard du patient » [16]. D’autre part, cet enjeu relatif a` la responsabilite ́ des soignants laisse entendre qu’il existe une « norme subjective » (par ex : la perception d’une pression sociale incitant a` re ́aliser ou a` ne pas re ́ aliser un comportement de sante ́ ) [17]. Acela s’ajoute le peu de discussion entre les professionnels autour de la de ́ci- sion de contention, ce qui pourrait e ́ galement ge ́ ne ́ rer une ambigu ̈ıte ́ quant a` ses conditions de mise en place, bien que la possibilite ́ de communiquer autour de l’objet dans le service soit e ́ voque ́ e par la plupart des professionnels. Enfin, on peut e ́galement supposer que la mise en place d’une contention sur prescription ou non de ́ pend e ́ galement du statut qui lui est accorde ́ . Si la contention est envisage ́ e comme un soin par les professionnels, on peut supposer qu’elle sera alors plus syste ́ matiquement mise en place sur prescription me ́ dicale au regard de ses be ́ne ́fices et de ses risques.

Repre ́sentations sociales de la contention

L’importance de la communication entre tous les interlocu- teurs concerne ́ s a e ́ te ́ un the` me transversal pre ́ sent a` la fois dans les repre ́sentations de la contention, en particulier lors de sa mise en place, et pour la prise en charge des enfants du service. Dans un contexte d’incertitudes, la communication peut avoir pour objectifs de re ́ duire les conse ́ quences de cette situation d’incertitudes. Enfin, la place accorde ́e a` la commu- nication pourrait s’expliquer par le fait que la contention est souvent mise en place dans le cadre de soins « proble ́ matiques ». Ces derniers activeraient des modalite ́ s de pense ́ e contradictoires, ge ́ ne ́ rant ainsi un besoin de communication entre professionnels mais e ́ galement avec les enfants et les parents afin de retrouver un certain e ́qui- libre. L’adaptation semble eˆtre une composante importante de la pratique de la contention. L’enfant et les parents sont pris en compte dans cette adaptation dans plus de la moitie ́ des cas. En revanche, le fait qu’ils soient peu e ́voque ́s par les professionnels tant au niveau de l’indication, que de la de ́ci- sion de mise en place de la contention soule`ve la question du poids et de la place des enfants et des parents dans cette pratique. Ces donne ́ es soule` vent la question de la place du consentement e ́claire ́ dans les soins et, plus largement, de la mise en pratique de la le ́gislation relative aux droits des malades, ici des enfants, et des parents. Le roˆle des parents reste difficile a` de ́finir pour les professionnels, certains ayant exprime ́ qu’il e ́tait fondamental, d’autres qu’il n’existait pas. Cela ame`ne plus globalement a` s’interroger sur la place des parents a` l’hoˆpital. Enfin, la de ́cision de contention peut e ́galement eˆtre analyse ́e au regard de la prise en charge de la douleur.

The` me aborde ́ spontane ́ ment par la moitie ́ des profession- nels, les alternatives a` la contention n’ont cependant pas e ́te ́ du tout e ́ voque ́ es par les me ́ decins et les auxiliaires de pue ́ ricultures. Une hypothe` se serait que, pour ces professions, il n’existe pas force ́ ment d’alternative, la contention e ́ tant ainsi « le ́ gitime » ou conside ́ re ́ e comme la re ́ ponse la plus adapte ́ e. Les limites de la contention ont e ́ te ́ spontane ́ ment e ́ voque ́ es par moins de la moitie ́ des professionnels. Faut-il y voir une certaine forme de me ́ connaissance ou de de ́ ni des effets ne ́gatifs de la contention ? On peut supposer qu’il s’agit d’une forme de rationalisation de l’acte, voire une protection de l’identite ́ professionnelle face a` une pratique aux enjeux symboliques et e ́ motionnels importants.

Le ve ́ cu de la contention e ́ tait mitige ́ , marque ́ par l’ambiva- lence du discours, bien que les affects ne ́ gatifs aient e ́ te ́ le plus fre ́ quemment e ́ voque ́ s. Ce re ́ sultat est cohe ́ rent avec la litte ́rature scientifique. Du point de vue des patients par exemple, des auteurs ont montre ́ que la majorite ́ des per- sonnes interroge ́es percevaient la contention comme une intervention « purement ne ́ gative » et « non the ́ rapeutique » [18]. Les e ́ motions affectent de nombreux processus cognitifs, tels que la perception, l’attention, le raisonnement, la prise de de ́cision ou encore le jugement [19].Ilpourraitdonceˆtreinte ́ressantdequestionnerde

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Il semble e ́galement important de clarifier le statut et la place de la contention chimique car celle-ci e ́tait pratiquement absente du discours des professionnels. Approfondir la ques- tion du statut de la contention permettrait d’avoir une vision plus globale de cette pratique et de mieux en comprendre les enjeux. Une recherche pourrait e ́galement eˆtre mene ́e aupre`s des enfants et des parents afin d’avoir une vue d’ensemble de cette pratique et de ses enjeux pour chacun des acteurs qu’elle implique. Enfin, dans une perspective de compre ́hen- sion plus large, il pourrait eˆtre inte ́ressant de conduire une e ́tude sur la place du corps et le rapport au corps dans la relation soignant-soigne ́ dans un contexte de prise en charge de l’enfant lourdement handicape ́ .

Le fait que les connaissances relatives au cadre et a` la mise en place de la contention soient variables d’un professionnel a` l’autre nous incite a` formuler plusieurs pre ́conisations. Il serait tout d’abord inte ́ ressant de re ́ aliser un e ́ tat des lieux des connaissances relatives au cadre et a` la mise en place de la contention, en particulier en ce qui concerne la ne ́cessite ́ de la prescription me ́dicale, afin d’avoir une vision globale des repre ́sentations sociales et des connaissances qui sont acqui- ses ou qui restent a` approfondir. Apartir de cet e ́tat des lieux, desmodulesdeformationpourraienteˆtree ́labore ́spour re ́ pondre aux besoins de ́ gage ́ s. D’autre part, des groupes d’e ́changes de pratique permettraient d’inscrire la contention dans une logique de re ́flexion commune et de clarifier son cadre et ses modalite ́s, afin de tendre vers un niveau de connaissance uniforme de l’objet. Enfin, communiquer autour de la contention, que ce soit au sein de l’e ́quipe pluridisci- plinaire, avec les enfants hospitalise ́s ou avec leur famille, permettrait de formaliser davantage cette pratique et de lui redonner du sens en mettant en e ́vidence son inte ́reˆt dans les cas ou` elle s’ave` re ne ́ cessaire.

5. Conclusion

Atravers ce travail, nous souhaitions comprendre comment les repre ́ sentations sociales des professionnels intervenaient dans la pratique de la contention dans un contexte de soins et de prise en charge de l’enfant malade ou handicape ́. Les re ́ sultats laissent a` penser que les repre ́ sentations sociales jouent en particulier sur le ve ́cu des professionnels et la repre ́ sentation qu’ils peuvent avoir du ve ́ cu des enfants, des parents et du roˆle de ces derniers dans la contention. Ils montrent e ́galement que la contention est un objet qui pose question et suscite une grande ambivalence dans le discours des professionnels, que ce soit a` travers ses formes ou le ve ́cu relatif a` cette pratique. On peut ainsi observer un ve ́ ritable travail de le ́ gitimation ou de de ́ le ́ gitimation de la pratique, nuance ́ par cette ambivalence du discours et les contours flous de l’objet. Par ailleurs, la place et le roˆle de chacun au cœur de cette pratique semblent difficiles a` de ́finir par les professionnels, tout comme le cadre dans lequel elle

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manie` re plus fine la place de ces e ́ motions dans les repre ́ – sentations sociales de la contention, afin de mieux compren- dre les processus en jeu. En d’autres termes, le ressenti tient une place pre ́ ponde ́ rante dans la re ́ action que les profession- nels ont face a` la contention et il n’existe pas une seule « re ́alite ́ » ou « ve ́rite ́ » de la contention. Nous pourrions ainsi dire que le discours des soignants est empreint d’une certaine forme d’ambivalence. Celle-ci te ́moigne de la prise de distance avec cette pratique qui, par sa spe ́cificite ́ et les affects qu’elle active, est indissociable d’un contexte e ́valuatif dans lequel elle prend forme et sens. L’ambivalence pourrait e ́galement s’expliquer par le fait que les diffe ́rents types de contention ne font pas l’objet d’une meˆme e ́valuation, certaines e ́tant per- c ̧ues moins ne ́gativement que d’autres [20].

Il est e ́galement important de noter que la contention chi- mique n’a e ́ te ́ e ́ voque ́ e que par une seule personne, ce qui pose la question de la place de ce type de contention dans le service. Les me ́ dicaments ont par ailleurs e ́ te ́ peu e ́ voque ́ s, que ce soit dans le cadre de la prise en charge globale de l’enfant ou en tant qu’alternative a` la contention. Il est e ́ galement inte ́ ressant de noter que le corps de l’enfant par rapport a` la contention a e ́te ́ tre`s peu e ́voque ́ ce qui nous interroge sur la conception que les professionels ont du corps, porteur de handicap, appareille ́ , et a` la place accorde ́ e a` ce corps dans la relation a` l’autre et dans le soin. Il peut sembler surprenant que l’objet meˆme sur lequel s’exerce la contention (le corps) soit si peu pre ́sent dans le discours des soignants. Faut-il en conclure que le corps est absent de la pratique ? Nous pensons plutoˆt que son statut d’e ́vidence et son omni- pre ́sence le soustraient au travail d’explicitation de la pra- tique. Il est enfin inte ́ressant de constater que chacune des personnes interroge ́ es avait eu une expe ́ rience de l’objet, bien qu’a` des degre ́s divers, y compris les professionnels non soignants (e ́ducatrice, institutrice). La contention ne concer- nerait donc pas uniquement les soignants mais tous les membres de l’e ́quipe pluridisciplinaire.

La taille de l’e ́chantillon et le fait que notre e ́tude soit mono- centrique peuvent constituer une limite a` cette e ́tude. Tou- tefois, nous avons veille ́ a` avoir un e ́chantillon disposant d’une relative he ́ te ́ roge ́ ne ́ ite ́ qualitative. Par ailleurs, le fait que cette recherche se soit de ́ roule ́ e a` la suite d’une demi-journe ́ e de formation sur la contention au sein de l’hoˆpital pose la question de l’effet de cette intervention sur le discours des participants. Il faut cependant garder a` l’esprit que les repre ́- sentations sont re ́sistantes au changement [6]. C’est a` la suite de modifications des circonstances externes et des pratiques (organisationnelles, pratiques professionnelles) dans le temps que peuvent se mesurer des transformations des repre ́senta- tions pre ́existantes.

Au vu des re ́sultats obtenus et des limites que nous venons d’e ́voquer, il pourrait eˆtre inte ́ressant d’e ́tudier les spe ́cificite ́s pouvant exister dans les e ́ nonce ́ s discursifs selon la profes- sion, l’aˆge et l’anciennete ́ au sein du service, afin d’appre ́- hender l’effet de ces variables sur les repre ́sentations sociales.

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s’inscrit. Cela nous conduit a` envisager la contention comme un objet pluridimensionnel en transformation, indissociable de son inscription dans un contexte de questionnement actuel et autour duquel s’articulent diffe ́ rents enjeux. Ceux-ci concernent aussi bien les diffe ́rents acteurs implique ́s dans la contention (enfant–professionnels–parents) que les politiques de sante ́ actuelles. Cette recherche a ainsi fait e ́merger divers questionnements et e ́le ́ments de re ́flexion qui peuvent repre ́senter de ve ́ritables leviers pour parvenir a` une meilleure compre ́hension de la mise en œuvre de la contention, des enjeux pour les diffe ́ rents acteurs implique ́ s et pour dresser les lignes directrices d’une re ́flexion sur la formation des soignants.

De ́claration d’inte ́reˆts

Les auteurs de ́clarent ne pas avoir de conflits d’inte ́reˆts en relation avec cet article.

Annexe 1. Guide d’entretien

􏰁 Pouvez-vous me parler de votre travail aupre`s des enfants du service ?
􏰁 Qu’est-ce qui fait la spe ́cificite ́ du travail dans ce service selon vous ?

  • 􏰁  Y a-t-il des choses plus difficiles pour vous dans le service ?

  • 􏰁  Avez-vous rencontre ́ des difficulte ́s en particulier ?

  • 􏰁  Pour vous, que signifie travailler sur/avec le corps des enfants ?

  • 􏰁  Que vous e ́voque cette question ?

  • 􏰁  Est-ce que vous diffe ́renciez les enfants du service ? (si oui, comment ? si non, pourquoi ?)

􏰁 Comment s’effectue le travail sur le corps de l’enfant dans le service ?
􏰁 Pour vous, quels sont les enjeux associe ́s au travail sur l’enfant et son corps ?

  • 􏰁  Qu’est-ce que le terme contention e ́voque pour vous ?

  • 􏰁  Est-ce que vous pouvez m’expliquer comment on de ́cide de mettre en place une contention ?

􏰁 Selon vous, comment la contention devrait-elle eˆtre mise en place ?
􏰁 Est-ce que vous avez de ́ ja` utilise ́ une contention aupre` s d’un enfant ?
􏰁 Si oui : qu’est-ce que vous en avez pense ́ ? Qu’est-ce que c ̧a vous a e ́voque ́ ? Qu’avez-vous ressenti a` cette occasion ? Est- ce que vous avez la possibilite ́ d’en discuter apre`s ?
􏰁 Si non : est-ce que vous avez de ́ja` vu quelqu’un poser une contention sur un enfant ? Qu’est-ce que vous en avez pense ́ ? Qu’est-ce que c ̧a vous a e ́voque ́ ? Qu’avez-vous ressenti a` cette occasion ? Est-ce que vous avez la possibilite ́ d’en discuter apre`s ?

Repre ́sentations sociales de la contention

􏰁Pourriez-vousmeparlerduroˆledesparentsdansla contention ?
􏰁 Pouvez-vous me raconter la dernie`re contention que vous avez vue ou effectue ́ e ?

Re ́fe ́rences

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