LE ROLE DE TOUS DANS L’ANNONCE D’UN HANDICAP EN MILIEU HOSPITALIER

Blaise Mbieleu, Muriel Derome, Sandrine Pruvost, Julien Grinfeld ; Hôpital Raymond Poincaré Garches.

Chaque soignant est important dans l’annonce d’un handicap. Pour illustrer notre point de vue, nous allons partir d’une situation particulièrement difficile à laquelle nous avons été confronté, celle de l’annonce d’une tétraplégie définitive à un petit garçon de 5 ans qui allait parfaitement bien quelques semaines plus tôt.

Notre propos sera de montrer l’importance d’une bonne collaboration entre les différents intervenants et les parents.

Ø Présentation clinique de Matthieu
Matthieu , 5 ans, n’a aucun antécédent particulier. Son développement

psychomoteur est harmonieux jusqu’à ce que fin mai 2015, des symptômes faisant penser à une virose apparaissent. Malgré les traitements initiés, son état de santé s’aggrave rapidement. Il doit immédiatement être intubé puis trachéotomisé et ventilé de manière constante, en effet, il n’a plus d’autonomie respiratoire. Une atrophie complète de la moelle, le rend entièrement paralysé, il est tétraplégique au niveau C2. Il s’agit d’une rhomboencephalomyélite aigüe. Matthieu arrive dans notre service au milieu du mois d’aout 2015.

Ø Prise en charge médicale
Blaise† accueille Matthieu. Il ne parle pas à son arrivée dans le service il a été transféré par hélicoptère un vendredi après midi après un long séjour en réanimation dans un autre hôpital. Les parents étaient venus au préalable visiter le service, et étaient réservés sur le lieu. Blaise fait son check up complet comme pour toute nouvelle entrée dans le service, et mesure la difficulté de cette prise en charge.

Ø Prise en charge paramédicale
infirmièreetaide-soignant

La prise en charge est compliquée car le relationnel avec le personnel infirmier et aide soignant est méfiant et les parents ne livrent pas leur confiance. Cependant des éducations thérapeutiques vont pouvoir être mises en place.

kinésithérapique
Dès son arrivée, Julien, son kinésithérapeute étudie son dossier de rééducation ;

puis prend contact avec ses parents afin de connaître les centres d’intérêts de leur fils. Il entre ensuite en relation avec l’enfant et crée le lien.

Nursing :

Le prénom a été volontairement modifié † le médecin

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Tout est fait pour que son installation au lit soit la plus confortable possible. Réalisation de coussin sur mesure à une période estivale au moment de la fermeture imminente du centre d’appareillage…

Sécurité :
Installation d’une sonnette au lit. Désencombrement respiratoire et explication des différents appareils nécessaires pour celui ci.

Autonomisation :
Demande de prise de mesure pour la réalisation d’un corset garchois en urgence;

Installation sur un fauteuil électrique adapté au handicap de Matthieu.
Un coussin sur mesure est réalisé au plus vite, avant que le centre d’appareillage

ne ferme pendant l’été…

Orthophonie
Pour développer son autonomie le plus rapidement possible, la prise en charge

orthophonique est très attendue afin de travailler l’oralité de l’enfant, ainsi que l’évaluation de sa déglutition.

Ergothérapie
Sandrine, son ergothérapeute rencontre les parents de Matthieu, ils sont très

demandeurs. On leur a parlé de l’ergothérapie et ils attendent tout de suite beaucoup de son intervention.

• Une sonnette qu’il peut actionner avec sa bouche
En premier lieu, Sandrine s’attache à la sécurité et installe une sonnette adaptée

à ses capacités motrices.

• Un joystick pour manier la souris de son ordinateur
Le travail de l’ergothérapeute est rendu difficile à cause de l’attitude de Matthieu qui se montre particulièrement introverti et triste dès les premières séances. En pratique, cette attitude est assez rare car le thérapeute s’attache aux capacités restantes, aussi minimes soient-elles, et tente de mettre en place des solutions techniques ou compensatoires pour que l’enfant puisse faire le maximum d’actions seul. Habituellement, l’enfant se sent très vite acteur et donc valorisé. Sandrine sent donc très

rapidement qu’avec Matthieu, cela va être compliqué.
Même l’apprentissage de l’ordinateur qui apparait souvent comme un support de

jeu, de communication et comme un outil scolaire important ne semble pas le tenter. Sandrine commence par essayer d’installer un joystick suffisamment sensible pour que Matthieu puisse l’utiliser avec sa lèvre inférieure. En parallèle, l’ergotérapeute fait aussi des essais de logiciel de pointage à l’œil.

Lors des premiers essais, les parents montrent une certaine impatience, voire de l’agacement, pour l’installation et la trouvent trop compliquée (en pratique, un temps d’adaptation est toujours nécessaire pour ce type d’installation car cela se joue au millimètre près et c’est un apprentissage très spécifique). Mais, malgré une utilisation de plus en plus précise et fiable, la famille n’adhère pas au projet.

Sandrine sent donc que tout apport matériel, pourtant nécessaire à son autonomie et à son indépendance dans la vie quotidienne, va être très difficile à accepter.

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• Un corset Garchois pour lui permettre de se tenir assis
Dès la mise en place du corset Garchois et donc de la possibilité d’une installation assise, Sandrine propose à Matthieu d’apprendre à conduire son fauteuil roulant

électrique. Le principe est le même que celui du maniement de la souris de l’ordinateur : un joystick placé sous la lèvre lui permet d’accéder à toutes les directions. Celui-ci est placé sur un bras articulé permettant là encore un réglage millimétré. Après plusieurs séances, Matthieu parvient de mieux en mieux à gérer les déplacements. Sandrine lui laisse le fauteuil électrique dans la chambre pour une installation quotidienne. Mais, là encore, ni l’enfant, ni ses parents n’investissent ce nouvel outil d’autonomie, et le fauteuil est constamment utilisé en mode manuel.

Psychologique

• Des parents de Matthieu
Il s’agit souvent d’une occasion unique de reparler en couple de ce qu’il s’est passé,

en mettant des mots sur les faits mais aussi les pensées, les émotions et sentiments ressentis tout au long du drame : le psychologue tente ainsi de les aider à sortir du « chaos psychique » dans lequel ils se sont retrouvés et essaye de comprendre quel sens ils donnent à ce qu’ils ont vécu.

Il s’agit aussi de relever les forces qui leur ont permis de tenir le coup et de leur permettre de prendre conscience de leurs propres ressources.

L’accompagnement psychologique vise aussi à prendre conscience des besoins essentiels de leur fils : amour inconditionnel, tendresse, confiance, sans oublier le besoin de vérité.

13 août 2015 premier entretien :

Dès la première rencontre avec Muriel, la psychologue, la maman explique que lorsqu’ils ont compris que leur fils resterait entièrement paralysé toute sa vie, ils ont pensé qu’il était préférable de supprimer la machine qui le faisait respirer artificiellement. Les médecins les ont entendu et leurs ont juste proposé d’attendre un mois avant de prendre une décision définitive. Un mois plus tard, le père s’est aperçu qu’une certaine complicité pouvait demeurer et que Matthieu pouvait encore avoir des moments de bonheur : il a alors demandé de poursuivre la prise en charge de son fils. La mère explique : « Je pense à la mort de mon enfant mais aussi à ce qui va se passer… (S’il ne meurt pas). »

Les parents de Matthieu vivent dans l’idée que leur fils peut mourir à tout moment. Notre désir de leur offrir un projet de vie et de le rendre le plus indépendant possible, les heurte, les dérange et en même temps les fait espérer. Ses rencontres permettent aussi de relever ce qu’ils disent et ne disent pas à leur fils. L’instauration d’un lien nous permet de réfléchir ensemble sur la nécessité ou pas d’annoncer la vérité à Matthieu. La mère m’explique ainsi : « je ne lui ai pas dit qu’il ne remarchera plus ». Il m’a posé la question une fois et je lui ai dis « bien sûr que tu vas guérir… » mais en réalité « Je pense tous les jours à sa mort… ». Notre expérience nous a montré que les enfants captent notre état émotionnel à travers notre langage non verbal : le ton de notre voix, l’attitude de notre corps… et comprennent ainsi la gravité de leur état. Il faut oser répondre à leurs questions car si une information leurs manque- notamment qu’ils sont là pour très longtemps- ils ne pourront pas investir les propositions de prise en charge.

Après le premier week-end passé chez lui : « retour éprouvant à domicile »
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« Il a dormi, pleuré. Au lieu d’être un moment de joie…c’était éprouvant… on ne sait pas comment l’aider ? » La psychologue leurs explique alors qu’il faudrait lui annoncer la gravité de ce qu’il vit car, même si ça ne lui a pas été dit, il la perçoit. Il ne peut pas réinvestir sa nouvelle vie, tant qu’on ne dit pas que les séquelles sont définitives. Par exemple, il ne voudra pas apprendre à se servir d’une souris à commande buccale ; il attendra que ses bras bougent.

• Des équipes
La psychologue est aussi là pour écouter le vécu de chacun des soignants dans leur

relation avec Matthieu. Reconnaître notre malaise, nos peurs ou notre sentiment d’impuissance nous soude, nous permet de mieux développer notre complémentarité et donc nous rend plus fort.

• De Matthieu
Le but est de l’aider à mettre en mot le traumatisme subi, de sortir de la sidération

et de la solitude dans laquelle plonge le non dit. Puis de préparer l’annonce en l’aidant à poser ses questions. Enfin, de l’aider à investir de nouveaux projets.

Connaissant le besoin de vérité des enfants, alors que Matthieu ne peut pas encore parler et que nous devons lire sur ses lèvres, la psychologue remet en mots ce qu’il a vécu : la rapidité avec laquelle il s’est retrouvé entièrement paralysé, les médecins qui ne comprennent pas ce qui lui arrive, les traitements qui ne marchent pas, sa difficulté à se retrouver dans une poussette alors qu’il n’est plus un bébé…et sa capacité à comprendre tout ce qui se passe sans pouvoir s’exprimer.

Le 7 septembre, Matthieu demande à ses parents : « Pourquoi je suis malade ? ». Comme ses parents ne savent pas quoi répondre, ils demandent à la psychologue de les aider.

Muriel lui explique « les pourquoi nous rongent, nous bousillent de l’intérieur, qu’il faut toujours essayer de ne pas les écouter car en réalité rien de ce que tu as pu faire, penser, dire, ressentir n’a provoqué cette maladie. ». Muriel voudrait l’aider à passer du « pourquoi » au « comment », elle poursuit : « ce qui est intéressant, c’est de te demander plutôt comment tu peux vivre tout ce qui t’arrive ».

Matthieu sollicite en permanence ses parents. Il sent leur épuisement et a peur d’être abandonné. Comme il a entendu son père lui dire : « Arrête Matthieu ! Si tu continues comme ça, je m’en vais ». Il pense qu’il peut ne plus venir le voir et/ou ne plus l’aimer. La psychologue lui explique que l’on peut dire des choses que l’on ne pense pas quand on est trop fatigué ou en colère …

15 septembre :

Toute l’équipe signale à la psychologue ses crises d’angoisse, son repli sur lui- même, sa tristesse…Il n’aime pas la musique. Il n’a pas l’habitude d’écouter de la musique chez lui. Il m’explique combien ça a été dur de se retrouver chez lui avec tous ses jouets et de ne pas pouvoir y jouer, de retrouver tous ses copains autour d’un gâteau et de ne pas pouvoir le manger…

Ce jour là, Muriel termine l’entretien en lui disant : « Je reviendrai te voir pour t’aider à poser les questions que tu te poses. »

Ø L’annonce se prépare

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17 septembre: la psychologue commence à aider Matthieu à préparer ses questions pour le médecin
Muriel : Est-ce que tu es d’accord pour me parler des questions que tu as dans la tête ? Parce que tu sais ça fait trop de mal de les garder pour soi. »

Matthieu : Quand est-ce que je vais guérir ?
Muriel: Ah, c’est une question très importante! On pourrait préparer toutes tes questions pour le docteur, tu es d’accord ? Mais tu sais que quand on a une question grave, la réponse peut être grave aussi ? Tu vois je rencontre deux sortes d’enfants, ceux qui veulent savoir des choses pour dans très longtemps, et ceux qui veulent savoir juste pour aujourd’hui et demain, Toi tu fais partie de quel groupe ? Tu veux savoir pour dans très longtemps ou pas?
Matthieu: Je voudrais savoir si je vais guérir, comment je serai dans très longtemps ?
Muriel : Ok ça c’est Ta question..? Tu as conscience que le docteur peut te répondre : « tu vas guérir », ou « tu vas guérir dans longtemps », ou encore « tu ne vas pas guérir » ? Est- ce que tu veux quand même poser ta question ?
Matthieu : Non…
Muriel: Si, c’est cette réponse «tu ne vasjamais guérir» tu ne veux pas poser la question, [de peur de l’entendre] c’est ça ?
Matthieu : Non, je ne suis pas prêt.
Muriel : Alors il ne faut pas la poser tout de suite. On peut juste noter exactement les questions [et tu les poseras quand tu te sentiras prêt]: est-ce que tu vas guérir bientôt ? Comment tu seras dans longtemps ? C’est ça ? Quoi d’autres ?
Matthieu : Oui et aussi est-ce que je vais remarcher ? Est-ce qu’on met aussi : est – ce que mes bras vont remarcher, est-ce qu’ils vont rebouger ?
Muriel : D’accord je note tout ça …On a pensé à tout ? C’est bon ?
Matthieu : Oui
Muriel : On pourrait rajouter : « est-ce que tu vas grandir dans ta tête et apprendre plein de choses ? » Tu te souviens de ce qu’on a dit l’autre jour, que c’est pas parce qu’on ne peut pas bouger qu’on est un bébé ; d’ailleurs, je ne connais pas de bébé qui sache compter jusqu’à 26 !

24 septembre : Une semaine plus tard, Matthieu se dit prêt pour entendre la réponse à ses questions.

Matthieu a réfléchi et veut savoir ce qu’il en est pour lui mais ne se sent pas le courage de poser ses questions. Muriel lui propose d’être son porte-parole et de les poser pour lui.

29 septembre : L’ANNONCE

Les derniers préparatifs

⇒ Entretien avec le père :

Le père sait que l’annonce se fera ce jour là, il revient voir la psychologue pour demander une fois encore ce qu’on va dire à son fils. Muriel lui explique qu’on répondra à ses questions. Il demande de ne pas dire à Matthieu que sa vie est fragile.

⇒ Préparation de l’annonce avec le médecin :

Nous préparons l’annonce à partir de jeux de rôle. La psychologue joue l’enfant et le médecin se prépare ainsi aux différentes réactions que Matthieu pourrait avoir. Il confie

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sa peur d’annoncer directement à l’enfant qu’il ne remarchera plus et ne respirera plus jamais seul.

L’annonce

⇒ L’ambiance est pesante. Matthieu est assis sur son fauteuil. Son père –après avoir dit qu’il n’en aurait pas la force- a finalement eu envie d’être à ses cotés. Muriel, Julien, son infirmière du jour et Blaise son médecin sont réunis autour de lui.

⇒ Le dialogue:
Muriel, la psychologue commence par reprendre l’histoire de la maladie de Matthieu.

Elle lui rappelle ensuite que ni lui, ni ses parents, ni les médecins ne sont responsables de ce qui lui est arrivé. Elle reprend ce qu’il a vécu : l’entrée à l’hôpital, la rapidité avec laquelle il n’a plus senti ses bras et ses jambes, ses difficultés respiratoires, l’obligation de lui faire une trachéotomie… Elle lui réexplique que devant la gravité de sa maladie ses parents, les soignants et même les médecins ont eu peur qu’il meurt mais comme c’est un vrai bâtant il a surmonté tout ça. Muriel lui propose ensuite de poser ses questions. Son père l’encourage « Maintenant tu peux les poser Matthieu. Maintenant que tout le monde est là, vas-y. Eux, ils connaissent les réponses. » La psychologue lui demande clairement : « Tu es prêt pour entendre les réponses ? ». Matthieu dit timidement « oui ». Le médecin lui demande s’il sent ses jambes. Il commence par dire que oui. Nous l’aidons à bien faire la distinction entre vouloir sentir ses jambes ou croire sentir ses jambes quand il voit qu’on les touche et vraiment les sentir. C’est un moment douloureux pour Matthieu, mais crucial pour qu’il puisse entendre ce qu’on va lui annoncer. Matthieu n’arrive pas à dire que ses jambes et ses bras ne bougent pas, il dit « un peu ». Son médecin lui explique qu’il ne peut plus bouger mais que nous allons mettre en place des aides techniques pour l’aider à avancer, à se déplacer dans un fauteuil pour aller « vers les autres et le monde ». Nous terminons en ouvrant sur ses capacités de pensée, de réflexion et d’intelligence :

Muriel demande : « Est-ce que Matthieu va grandir dans sa tête ? (…) Oui.
Blaise : « Tu vois Matthieu, on parle bien avec toi, ton intelligence est très belle. Tu peux grandir, tu vas continuer l’école, tu peux devenir ingénieur, faire des choses nouvelles, appendre plein de trucs… »

Nous lui rappelons que c’est important qu’il nous parle et partage ce qu’il ressent. Nous lui expliquons que comme son corps est paralysé, nous n’avons que son visage pour connaître son état émotionnel. Julien lui rappelle toutes ses obligations : venir aux séances de kiné, vérifier si ses poumons sont encombrés, mettre le corset… Julien reconnaît la difficulté de le mettre mais il lui dit que ce corset est une « armure » pour Matthieu.

Post annonce

Le lendemain de cette annonce, la psychologue se retrouve seul avec Matthieu et lui demande comment il va et si l’annonce a répondu à ses questions. Il dit que oui et qu’il se doutait des réponses qui lui ont été faites.

A la suite de cette annonce Matthieu à changé de comportement, il autorise la nouveauté. Il accepte d’aller en salle de rééducation sans ses parents et accepte les appareillages.

Le 30/09 livraison du corset Garchois avec le choix de le décaler d’une journée pour ne pas l’associer à l’annonce et éviter la négativité sur cet appareillage essentiel pour les suites de la prise en charge de Matthieu. C’est aussi le début de la position

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assise dans un fauteuil et plus dans une poussette, c’est aussi la possibilité de se remettre en position verticale.

01 octobre 2015 mis en place d’un système de fauteuil roulant électrique avec une commande buccale.

21 janvier 2016, Matthieu dépasse sa peur d’aller à la piscine et accepte après un travail collaboratif d’inter professionnalité pour suivre des séances de balnéothérapie.

En Mars, Matthieu rentre chez lui et revient trois jours par semaine en hôpital de

jour.
La veille de son départ, lors de sa dernière séance avec la psychologue, Matthieu

demande : « j’ai encore une question : est-ce qu’on peut parler de la mort ?…Ou, plus exactement, est-ce qu’on peut parler de ma mort ?
Muriel lui réponds: « Oui bien sur qu’on peut en parler … »

Matthieu lui explique : « Parce que tu comprends, je ne sais rien sur la mort, sauf que le renard fait le mort pour échapper au charognard…»`
Nous échangeons pendant deux heures sur ce qu’il imagine de sa mort. L’entretien est sur le point de se terminer quand Matthieu ajoute : « Tu veux que je te chante une chanson avant que je parte ? » et il se met à chanter « Pirouette, cacahouète… »

Un mois plus tard, il revient dans le service :
« Ah, sinon, j’ai une autre question, je voulais savoir c’est quoi la vie ? »

Trois mois plus tard, alors qu’il rentre de vacances :
« Tu sais Muriel, je suis heureux…je suis heureux d’être vivant car maintenant je sais que je peux partir en vacances en Italie et ça c’est trop top ! » Nous sommes admiratifs de ses parents qui réussissent à maintenir malgré la lourdeur extrême du handicap des projets de vie et cela nous aide à surmonter les difficultés que nous rencontrons dans nos propres vies.

Conclusion

Cette expérience nous a permis de comprendre que choisir d’être vrai avec nos patients, nous oblige aussi à être plus authentiques les uns avec les autres. Pour qu’une annonce soit de qualité, nous devons préparer l’enfant, ses parents mais aussi l’ensemble des soignants pour qu’ils répondent avec la même sincérité.

Matthieu a su que son état était définitif –malgré l’aspect éprouvant de ce qui lui a été annoncé-, cela l’a apaisé. Il a compris que ce n’était pas de sa faute s’il ne récupérait pas. Le fait de pouvoir poser toutes ses questions lui donnait la sensation d’être moins seul et lui a permis de retrouver un élan de vie…