Ce que les enfants nous apprennent de la mort

 Ce que les enfants nous apprennent de la mort 

Et si les petits nous soufflaient la voie de la raison ? Muriel Derome détaille les 3 clés qu’ils nous livrent.

Bio : Psychologue clinicienne et psychothérapeute en service de réanimation pédiatrique, Muriel Derome a publié plusieurs ouvrages : Le courage des lucioles (Philippe Rey), La traversée des pays du deuil et Accompagner l’enfant hospitalisé (De Boeck).

1) Vivre le présent et accepter l’imprévisible

Avec l’âge, les adultes sont presque toujours confrontés à un sentiment de « déjà vu ». Toute situation évoque des souvenirs, ou tout au moins des représentations. Si bien que l’on devient assez mal à l’aise face à l’imprévu… Au contraire, l’enfant pose un regard neuf sur la réalité et s’y adapte en permanence. Il affronte la mort de la même manière qu’il se rend à l’école pour la première fois, qu’il découvre un petit frère ou une petite sœur, qu’il part en colonie. Il l’aborde sans a priori, avec curiosité. « Elle est belle, comme ça, avec ses cheveux ondulés », remarque ainsi un petit garçon devant le corps de sa sœur décédée. Un adulte qui s’approche d’un mort est dans ses peurs, sa répulsion, qui envahissent et influencent sa manière de voir. Souvent, dans la vie, la peur de la souffrance est plus difficile à vivre que la souffrance elle-même. Apprenons à être davantage dans le moment présent…

2) Voir les lumières dans la nuit

Avec leur capacité à vivre le moment présent, les enfants passent du grave au léger, puis du léger au grave sans arrêt. Je n’hésite pas à leur poser des questions « choquantes » aux yeux de leurs parents : « qu’est-ce que tu trouves de bien, dans cette mort ? » Beaucoup répondent : « la mort, c’est moins dur que la maladie », avec son lot d’angoisse, de pleurs, d’incertitudes, d’espoirs déçus. Lors d’un enterrement, ils peuvent se réjouir d’être monté dans le clocher ou d’avoir lancé des fleurs sur le cercueil. Nous nous empêchons de pleurer, nous cherchons à faire bonne figure, si bien que nous réprimons ces petites pulsions de vie. Or au coeur de la nuit la plus sombre brillent toujours de petites étoiles. Les enfants nous apprennent à accepter de nous laisser traverser par la douleur, sans focaliser sur elle, et à garder les yeux ouverts sur la beauté. 

3) Etre connecté à l’invisible

« Vous savez comment me joindre. Quand on est mort, pour rester en contact, on utilise la prière comme téléphone. Vous direz tout à Dieu et il me transmettra. » Ainsi Tanguy , décédé d’une tumeur au cerveau à 12 ans, évoquait-il l’au-delà. Mieux que nous, les enfants perçoivent la continuité entre la vie terrestre et la vie céleste. Leur capacité imaginative rend leur monde intérieur très riche, capable d’intégrer d’autres dimensions, de créer un univers presque sans support, bien plus facilement que pour nous qui sommes dans le tangible, le rationnel. Ils nous éveillent à l’intégration d’une autre réalité, dans notre quotidien. Bien sûr, cela n’enlève rien à la douleur de l’absence, ni au deuil de nos projections. Mais ils nous rappellent la réalité de la promesse du Christ, qui est la résurrection et la Vie, de nous retrouver pour l’éternité.