ACCOMPAGNER LA FRATRIE AU FUNERARIUM (articles)

       
         La dé-ritualisation de toutes les pratiques sociales – et pas seulement de celles qui touchent à la mort – a entraîné un bouleversement des pratiques funéraires. Elles sont aujourd’hui beaucoup moins codifiées et chacun est libre d’inventer sa façon de faire ou d’être. Cette désocialisation du deuil n’est pas sans conséquences pour les enfants. Beaucoup d’adultes ont besoin de penser que l’enfant doit être protégé de la mort en l’écartant des personnes gravement malades ou décédées. Ils considèrent qu’il est préférable de ne pas leur en parler ou ne se sentent pas capables de le faire. Or, même les plus jeunes ont besoin d’explications claires, adaptées à leur niveau de compréhension pour savoir ce qui s’est passé, comprendre les réactions des adultes, poser leurs questions et pouvoir participer concrètement à tout ce qui se met en place après le décès. 
            Depuis plus de quinze ans, l’accompagnement de nombreux enfants en fin de vie nous a amené à découvrir la facilité avec laquelle les enfants sont capables de parler de la mort, et même, si nous savons les écouter, de leur propre mort. Notre écoute de la fratrie tout au long de la maladie de leur frère ou de leur sœur, et après le décès, est venue confirmer cette capacité de l’enfant à parler en profondeur de sujets très graves. Nous avons alors mesuré que, sans explication et sans voir le corps du défunt, les enfants comme les adultes ont du mal à comprendre la mort. Confortés par toutes les dernières études qui montrent qu‘être en contact avec le corps du défunt préserve généralement du deuil pathologique, nous avons progressivement identifié les étapes qui aident les enfants dans cette période qui suit immédiatement le décès d’un frère ou d’une sœur. Cet accompagnement spécifique leur permet de mieux comprendre les réactions des adultes ainsi que les émotions qui les envahissent et ils cessent alors progressivement d’attendre indéfiniment le retour de celui qui est décédé.

1.        Accueillir la détresse des parents 

2.      Préparer l’annonce aux frères et sœurs 

3.     Rencontrer la fratrie
         ·  Se rendre disponible intérieurement 
· Choisir un endroit calme et contenant
 · Repérer le contexte du drame en utilisant le présent
· Annoncer que quelque chose d’extrêmement grave est arrivé en uutilisant les vrais mots
 . Repérer comment l’enfant se représente la situation 
·  Nommer l’émotion pour moins la subir 
·  Les choses ne seront plus jamais comme avant 
·  Ne pas s’étonner du manque de réaction apparente 
·  Expliciter ce qui vient d’être annoncé 
·  Laisser le temps d’assimiler ce qui a été dit 
·  Évoquer le déroulement des choses dans le temps 
·  Proposer un support pour exprimer la douleur 
·  Autoriser l’oubli, de toute façon, l’enfant ne peut pas se souvenir de tout. 
·  Entendre la pensée magique de l’enfant et le déculpabiliser 
·  Demander toujours à l’enfant s’il veut voir son frère mort, ne jamais forcer. 
·  Préparer à la réalité de la mort 
·  Veiller à respecter le rythme de chaque enfant 

4.     Accompagner un enfant au funérarium
·  Vérifier la présentation du corps 
·   Inviter chaque famille à créer son propre rituel 
·   Repérer les interprétations irrationnelles 

5.   Remettre en mot ce qui a été vécu. Parler peut permettre d’éviter de figer ou de cristalliser le souvenir et il nous semble que nous semons ainsi des germes de résilience. Après avoir découvert que la mort n’est pas impossible à regarder, il est important de montrer aux jeunes qu’il est possible d’en parler, que ça n’est ni mal ni méchant, que ça ne fait pas mourir et que ça peut même aider à vivre !
                                                                      (Article paru dans Carnet psy en novembre 2013)